Les Catacombes de Castlebaie

« Yo ho sur l’heure,

Hissons nos couleurs.

Hissez haut, l’âme des pirates,

Jamais ne mourra. »

 

Je ne sais pas d’où je viens. Je ne sais pas qui je suis. 

Les gens m’appellent Capitaine Thatch dite Boucle d’Or bien que les flots de l’océan me renvoient plutôt l’image d’une crinière mal brossée. Le Hyacintho est ma maison, les matelots ma famille, l’abordage ma raison de vivre. 

Je crois que j’avais une sœur avant, dans une autre vie, ou peut-être deux, je ne sais plus. Qu’importe, la vie d’avant n’a plus de sens et encore moins d’intérêt, elle se noie sous les vagues du Rhum de Tortuga qui font de moi une femme dont la réputation se répand lentement comme un voile poisseux. Je n’ai peur de rien parce que la mort ne m’effraie plus. Je danse avec elle dans une étreinte charnelle depuis tant d’années que je pourrais même vous chuchoter les prophéties que la Faucheuse fait frémir dans le vent du dernier souffle. J’aime la mort et j’aimerais y goutter de mes papilles avides, me délecter du liquide pourpre avec le bout de ma langue asséchée, frotter mon corps tuméfié de cette mousse à l’odeur de fer amer. 

 

Me voilà Trinidad dite la Sauvage. 

Me voilà devant vous, mousquets en mains. 

Me voilà femme sur un bateau, superstition de malédiction. 

 

Savez vous la sensation de jubilation que l’on ressent lorsque l’on transperce un homme pour la première fois? Ses yeux, écarquillés comme deux soucoupes qui vous regarde, éprise d’une incompréhension, « Comment se fait-ce ? Une femme m’a tué ? Une femme ! ». Je suis la voix de toutes celles qui ne peuvent qu’écouter, la haine de toutes celles qui ne peuvent que subir, la vengeance de toutes celles qui ne peuvent qu’en rêver. 

Je suis peut-être la justice, peut-être l’injustice. 

Je suis un mystère.

 

 Tout ce que je sais, c’est que je suis pirate. Maudits pirates.