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Hailee Steinfeld

Tenna de Fiercastle

Quoi de plus factice qu’une cour, de nobles gens et de valets prêts à tout pour servir leur roi ? Il n’y avait qu’eux pour apprécier une vie aussi artificielle, fastueuse et pompeuse. Qui aurait le plus plu au roi ce soir ? Avec quelle gente dame pensez-vous qu’il va passer la nuit sans que sa femme ne le sache – mais s’en doute naturellement. Est-ce que le bouffon lui arrachera un quelconque rire ? Mais qui pourrait faire ne serait-ce que sourire le roi ? Tout le monde dit qu’il est fou. Que tout en lui est bon, mais que les voix à l’intérieur de sa tête se chamaillent. Parce qu’elles finissent par tout casser. Et quand quelqu’un est brisé de l’intérieur, il n’est plus le même. Peut-être que le roi deviendra un homme tyrannique. Ou peut-être l’est-il déjà ? Tant de questions qu’il est légitime de se poser quand on fait partie de cette société surfaite. Celle qui se poudre le nez pour bien paraître. Qui rit sans connaître la vraie signification des mots. Pourtant c’est important, la connaissance, la justesse, l’intelligence… Mais peu de gens possèdent toutes ces qualités. Monde de papier, ville de verre, prête à se désintégrer à tout moment.Le destin d’une jeune femme fut scellé sous la demande d’un de ces nobles personnages qui siège à la cour, par une demande en mariage. Encore une chose fausse. Un mensonge de plus qu’on rajoutait à la longue liste de ceux qu’on avait pu évoquer jusqu’à maintenant. Et pour tout dire, le parchemin commençait à s’épuiser. Ses parents avaient arrangé ce mariage pour qu’elle s’élève, et devienne celle qu’on avait toujours rêvé qu’elle devienne. Qu’elle endosse le rôle d’une maîtresse de maison. Que dis-je ? D’un grand château du conté ! Et qu’elle donne à son mari beaucoup de petits héritiers qui grandiraient dans l’espoir de devenir quelque chose. Ce destin était incontestablement ennuyeux et morne. Elle n’en voulait pas. Le Destin ne devait pas être basé sur un désaccord. Alors elle devait partir, fuir, quitter son mari, ce qui ne se faisait absolument pas à l’époque, au risque même de se faire pendre. Mais il y avait un autre problème qui la poussait à s’échapper de cette emprise, de cette prison dorée dans laquelle on s’apprêtait à la pousser. Elle n’était pas une personne comme les autres, et pouvait se faire brûler à tout instant si elle dévoilait sa véritable nature. En effet, la petite Tenna avait des pouvoirs. Comme ceux qu’on lit dans certains contes de fées. Mais de ce point de vue, c’était traité comme quelque chose de néfaste. Et les sorcières n’avaient pas le droit de vivre, pas plus que les esclaves se trouvaient tous un jour libre, dénué de l’attachement à leur maître. Et elle ne pouvait ni brûler, ni même être à la botte de qui que ce soit. Alors, la nuit avant le mariage fut celle qui changea sa vie. Vêtue d’une courte robe blanche, elle se traîna jusqu’à une armoire où elle enfonça quelques vêtements, de quoi tenir quelques temps sans avoir l’air d’une gueuse. Puis, silencieusement, elle était descendue jusque dans les cuisines pour subtiliser quelques victuailles. Des pommes, du pain, quelques morceaux de viande crues – pas besoin de grand-chose pour pouvoir la faire cuire quand on connaissait sa nature. Et elle termina sa liste par de gros gâteaux secs saupoudrés de sucre dont sa mère avait le secret. Ceci et la broche de sa matriarche, ainsi qu’un petit couteau seraient les seuls souvenirs qu’elle garderait de ses parents. Mais plus jamais elle ne ferait parti de cette noblesse. Elle quitta les lieux, comme un brin de poussière, comme le vent qui frappe contre les fenêtres, comme les feuilles des arbres en hiver, comme de la fumée entre les mains d’un homme. Elle devait être pareille à elle : insaisissable.Elle passa la nuit dehors, grignotant un morceau qui pourrait la sustenter, et partit à la conquête du monde. Elle pouvait faire ce qu’elle voulait de sa vie, sans qu’on ne vienne l’importuner. Souriante, elle partit alors, courant jusqu’au village d’à côté, trouvant refuge dans une petite ruelle couverte de pavés qui ne formaient pas une unité complète. Qu’allait-elle faire le lendemain ? Elle n’en savait rien. L’avenir allait le lui souffler à l’oreille.Au matin, elle entendit des chevaux parcourir la grande rue, et les cavaliers hurlant qu’une femme avait quitté son lit la nuit dernière et qu’elle devait se rendre auprès de son futur époux. Quiconque la verrait remporterait le prix fort. Alors, apeurée, elle courut se réfugier et frappa à une porte, qui s’ouvrit sur la face fatiguée d’un vieil homme. Elle eut à peine le temps de prendre une goulée d’air frais qu’elle enchaîna :« - Il faut que vous m’aidiez. Des hommes me traquent, et il ne faut surtout pas qu’ils me trouvent. Je ne suis pas une criminelle, je suis la Liberté.- Entrez. »Quelle chance. Il n’était pas l’un de ces hommes qui ne faisaient qu’aduler le roi. Il venait de la sauver de la mort, seul dessein qu’elle se réservait si elle venait à épouser cet homme qui n’avait d’ailleurs rien pour plaire : ni le charisme, ni la beauté, ni même l’intellect qu’elle attendait. Les femmes dans son genre étaient bien souvent déçues de ne jamais trouver chaussure à leurs pieds, pourtant elle cherchait. Mais Tenna, elle, n’en voulait tout simplement pas. Elle fut donc logée chez un inconnu qui lui offrit comme lit une paillasse confortable qu’elle eut le plaisir d’accepter. Mais tout avait un prix. Et elle était reconnaissante de devoir lui payer quelque chose. Elle devrait donc, un soir, quand l’histoire aurait disparue, chanter pour lui, mais pas seulement. Pour sa taverne tout entière. Car elle avait un don, c’était certain : il l’avait entendu, avant qu’elle ne s’endorme, chanter ces chansons qu’on entend au château, les soirs de bal. Elle avait la voix aussi douce que de la soie, qui coulait comme de l’eau sur la roche, qui faisait frissonner les cÅ“urs et frémir les âmes. Elle était l’incommensurable pureté. L’insatiable beauté, sans avoir quelque chose de parfait. Elle avait cette imperfection parfaite, qui lui offrait un charme sans limite. Ils attendirent que les jours s’écoulent, le temps que l’affaire s’ébruite. Elle fut rapidement prétendue morte, et la vie put reprendre son cours normal. C’était le moment parfait pour refaire surface. Du haut de ses sabots qu’on lui avait préalablement prêté, la jeune femme porta une main à sa cage thoracique, et laissa la douce mélodie s’évaporer comme elle avait pu le faire, quelques temps plus tôt. Elle laissait tout ce qu’il y avait en elle partir lentement. L’attention fut sienne. Sensation merveilleuse. Qui dura, encore et encore. Les propositions à boire un verre après ce fastidieux travail lui furent proposé, et elle refusa plusieurs fois, cédant au dernier moment pour un homme. Un homme qui tomba fou amoureux d’elle.Amoureux. C’était bien le problème. Parce qu’elle, elle n’avait pas le droit de l’être. Mais pouvait-elle paraître, rien que pour pouvoir obtenir de lui quelques faveurs ? Alors, à partir de ce moment-là, elle se mit à jouer, obligée de quitter à chaque fois l’homme qui s’occupait d’elle pour ne pas se faire attraper. Alors elle partait. A chaque fois. Vivant à nouveau. Reprenant un souffle de vie à chaque nouveau départ.Et comme à chaque fois, dans chaque nouvel endroit, elle rencontrait un homme nouveau, avec qui elle faisait plus ample connaissance. Etait-ce ennuyant ? Certainement. Jusqu’à ce qu’elle rencontre quelqu’un digne d’intérêt. C’était comme s’il avait demandé à la Terre de lui révéler tous ses secrets et qu’elle l’avait fait, sans montrer de mécontentement. Elle était sortie de l’ombre un jour où il en avait besoin, lui avait tendu la main pour qu’il la saisisse, puis l’avait retiré dès que leur doigts s’étaient touchés. Son nom comportait autant de lettres que le sien. Mais il ne portait en lui rien de mauvais. Il était la pureté qu’elle pouvait effacer, incontestablement.Il était l’ange, et elle était son démon.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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