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Le contexte.

Castlebaie, après l’an un, après l’an deux, maintenant l’an-pire.

Trompettes sonnez, voici nos invités.

Banquet dressé, guirlandes étoffées,

Goutez, croquez, dégustez, avalez,

Pour ne plus jamais pouvoir vous envoler.

Vous êtes ici nos prisonniers,

Bienvenue à Castlebaie.

Vous ouvrez les yeux.

Le Roi rentre dans la pièce, il vous regarde de son air mauvais, vous aimeriez vous cacher sous cette grande table mais vous vous contentez de reposer cette bonne cuisse de poularde bien grasse dans laquelle vous venez de mordre avidement.

Vous êtes penaud, vous êtes couleur coquelicot.

Ses pupilles sont si froides qu’à tout moment, vous vous attendez à ce qu’il hurle.

« Qu’on lui coupe la tête ! »

Mais il ne chuchote même pas, le Roi maudit par sa folie. Il ne vous offre rien, vous ne méritez rien. Vous vous sentez pitoyable n’est-ce pas ?

A votre droite un gentilhomme se penche vers vous, soucieux de rajouter la goutte d’eau qui ferait déborder le vase. Lui, par contre, il vous murmure des mots que vous ne voudriez pas connaître, le tout agrémenté d’une odeur de vinasse périmée.

« Oyez, mon bon Monsieur, saviez vous que les rumeurs racontent que le Roi aurait essayé tantôt d’assassiner son plus jeune frère pour évincer toute concurrence à son fils ainé ? Mais il aurait juste réussi à faire fondre ses yeux comme deux bougies soufflées. Je vous le dis, Sir, avec si peu de remords et tant d’aliénation, on peut détruire le monde en un battement de cils... Oh, mais il vous regarde toujours. »

Vous frissonnez. Vos fesses s’échappent du banc, vos jambes, flageolantes, reculent de quelques pas en direction de la porte. Tous les regards sont braqués sur vous, tous ces nobles à la botte de la démence royale vous jugent. Vous ne faites pas parti d’eux, ils le devinent tout autant que vous.

Vos pas buttent sur les pierres grises, ils se font de plus en plus rapides. Ils vous semblent que vous êtes suivis par des cliquetis en ferraille, est-ce la garde ? Le Roi a-t-il enfin hurlé ? Evidemment que vous ne pouvez plus l’entendre, vous êtes trop loin maintenant et vos oreilles sont habitées par un essaim d’abeilles tueuses. Cette merdaille de garde dirigée à la baguette par votre soi disant Roi fait trouiller vos intestins.

Vous semblez tenir à votre tête n’est-ce pas ?

Vous êtes sorti du château, la brise de l’océan Hyacintho fouette votre visage trempé. La lune est cachée dans votre dos par les pics de l’Aliena, chaîne montagneuse qui vous donne tout autant de sueurs froides que les remparts que vous venez de quitter. Votre course se poursuit, effrénée et paniquée. Vous dévalez les premiers quartiers marchands qui offrent tant de florilèges à la ville. Tous les volets sont fermés, pourtant vous devinez aisément les familles fatrouiller et ripailler autour d’une table vomissant de bonnes pitances. Votre ventre gargouille mais vous n’entrez dans aucune chaumière.

Vos pas se poursuivent, vous ne pouvez plus dire si les cliquetis sont toujours présents dans la rue que vous venez de débouler ou s’ils naissent de fin fond de votre esprit craintif. Vous quittez les quartiers artisanaux, vous continuez de descendre loin de cette citadelle damnée, vous êtes maintenant dans les tréfonds de Castlebaie, cerné par les rats, les ribaudes et les gueux.

Une porte se dessine devant vous, accueillante de son auréole éclairée par la lumière des bougies. Vous hésitez, mais votre cerveau continue de faire tinter la ferraille entre les insectes coincés dans vos oreilles, alors, toujours par trouille, vous poussez le battant.

Quelques regards suspicieux se tournent dans votre direction, vos jambes flageolent de nouveau. La taverne est emplie de fripons, galvaudeux et coquins, ils susurrent entre deux pintes des mots que vous ne pouvez entendre et que, pourtant, vous comprenez parfaitement. La révolution gronde, les pouilleux s’arment pour détruire la hiérarchie et l’apologie de l’injustice que leur Roi fait régner sur la cité.

Do you hear the people sing ? Singing a song of angry men ?

Vous n’êtes pas chez vous ici, il vous semble que ce sont maintenant les misérables qui aiguisent leurs lames en vous regardant en coin. Votre dos revient buter contre la porte, elle se dérobe sous votre poids et vous vous retrouvez de nouveau dehors, frappé par le souffle de la mer parsemée de petits pêcheurs bien disciplinés sur la houle silencieuse. S’ils s’avaient, ces morutiers, qu’en fait ce sont eux les petits poissons.

Vous errez, perdu, désorienté, prêt à vous abandonner dans un recoin alors qu’une vieille paillarde vient vous happer le bras pour vous attirer dans la sinuosité d’une ruelle poisseuse. Votre respiration s’interrompt, son haleine est pestilentielle.

« Mon coquebert, que fais-tu à pareille heure à trainasser ? Ne t’a-t-on jamais conté les légendes de Castlebaie ? s’enquiert-elle alors que vous répondez négativement. La ville est dangereuse, les ailes immenses des reptiles frôlent les remparts, les rites démoniaques font frémir les souterrains, les jeunes les plus habiles disparaissent de la ville un jour et réapparaissent plusieurs années plus tard… Quelque chose d’indomptable est entrain de renaître de ses cendres et personne ne fait le poids, pas même ce félon de Roi, pas même toi et ta tronche de petit couard ! File ! Va te cacher ! Ils peuvent tous nous trouver ! »

Vos yeux sont écarquillés. Vous vous libérez de cette vieille folle et vous repartez dans votre course délirante. Vos jambes n’en peuvent plus, votre respiration est chaotique, vos sens bien trop en alerte pour ne pas vous rendre chimérique. Arrivé sur les quais, vos pieds s’emmêlent et vous vous retrouvez à choir sur le sol comme un pantin, le visage à quelques centimètres d’une flaque d’eau vous renvoyant votre reflet.

Votre teint devient blanc comme la neige. Vous voilà face à la réalité.

Qui êtes-vous ?


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