Les Catacombes de Castlebaie

Il fut un jour un Roi. 

 

Au départ il n’était pas cupide, il s’appelait Clotaire Pécuyen. 
Les habitants auraient même pu dire qu’il serait peut-être un bon monarque pendant son règne et qu’il ferait prospérer sa ville comme elle le méritait. 
Mais les premières impressions sont souvent trompeuses. 
On le baptisa Roi Conviction. Des années plus tard on se rendit compte qu’on aurait dû le nommer Roi Cruauté. Trop tard. 

 

Premier d’une fratrie de quatre petits Pécuyen, Clotaire eut une enfance royale. Joueur et complice avec ses frère, Pierrick et Robert, et sa sœur, Cyrielle, ils prenaient parfois plaisir à passer les barrières de la Citadelle pour aller vaquer entre les villageois et les étales du marcher sans que la Monarchie ne le sache. Les temps étaient alors paisibles et le village florissait dans les rires et les embrassades du soleil. La vie était douce. 

 

Il monta sur le trône âgé de quatorze ans.
Il devint Roi Conviction.
Il oublia qui était Clotaire Pécuyen.

 

Nous sommes maintenant quarante ans plus tard. Plus personne ne se souvient de Clotaire Pécuyen. Les gorges se serrent quand on prononce son nom. Le Roi et ses convictions sont en proies à la haine du peuple. Que lui importe, il ne passe plus les portes de la forteresse, il ne sait plus quel visage à sa cité, il sait juste qu’elle est à lui. Trois enfants sont nés de son mariage : Gaultier, dit Prince Vérité, Arthur, dit Prince Ruse, et Catheline, dite Princesse Prudence ; combien d’autres pouvons nous trouver dans l’ombre ?  
Il est intouchable, protégé entre ces épais murs de pierres aussi froides que l’intérieur de sa bouche. Il claque des doigts et la garde se précipite sur la proie comme l’ours sur le miel. Il jubile, il se sent puissant, il s’en délecte. 

 

Mais il pense au peuple, n’est-ce pas ? Ha ! Sottises. Il pense à cette toux qui n’arrête pas de lui décrocher les bronches et à l’avenir de sa dynastie. Comme la carne, il ne compte pas rendre le flambeau maintenant alors, en attendant, pour faire taire les gueux, il a promis son Prince Vérité à la main d’une gourgandine du peuple. Ce sera lui qui montera sur le trône lors du jour funeste : ainsi marié à la basse-cours de Castlebaie, la flopée de canailles se sentira importante. Il se trouve brillant !

 

Il se trouve aussi malade. On récolte ce que l’on sème et l’ennemi chuchote que c’est sa concupiscence qui lui attaque les boyaux. Il ne veut pas admettre la vérité, il n’est pas malade, non…il est invincible. Monsieur le Roi paie tous les guérisseurs du monde pour être soigné, en vain. Il finit par les tuer. Alors il se tourne vers l’autre côté du miroir, vers l’histoire de ses nouveaux déboires, vers la magie noire. Filtre de licorne, morceau de chaire fraiche, décoction de dragon, tout y passe dans la mélasse pour faire oublier à Conviction toute sa frustration. Il vieillit. Il plonge dans la folie. N’a-t’il pas déjà bu la tasse ?

 

Vade. Retro. Satanas.