Les Catacombes de Castlebaie

« Si vous avez confiance en vous-mêmes,

vous inspirerez confiance aux autres. »

 

Béatrix de Tarnal est née mariée. Béatrix de Tarnal est née pour hocher docilement la tête. Béatrix de Tarnal est née pour obéir aux hommes qui l’entouraient. Princesse d’une contrée voisine à Castlebaie, son père fut bien trop satisfait de la vendre comme une vache à lait à la famille des Pécuyen en échange d’une alliance pour le commerce. Une bague invisible au doigt alors qu’elle gesticulait toujours dans son berceau à l’aube de ses deux mois, elle grandit dans l’assurance d’une vie noble sans pour autant savoir où celle ci la mènerait. Elle ne rencontra Clotaire Pécuyen que le jour de ses sept printemps, se gardant bien de dire qu’elle le trouvait trop brutal et brailleur pour un jeune homme de sang royal. A ses dix ans eu lieu la cérémonie, quelques mois seulement après le couronnement du nouveau Roi de Castlebaie. Elle devint Reine, elle devint quelqu’un de grand, elle embrassa la vie adulte alors qu’elle aurait du continuer de jouer entre les fleurs. 

 

Au cours de ses vingt-cinq années de vie commune, Béatrix donna naissance à deux adorables jumeaux, Arthur et Gaultier, mais surtout au rayon de soleil de son existence, sa si douce Cathelyne. Son époux ne prêta aucune attention à l’arrivée de cette colombe, tout comme son propre père avait pu le faire auparavant avec elle. Elle s’évertua donc à procurer à elle seule tout l’amour qu’un enfant avait besoin pour s’ouvrir au monde, liant une complicité si douce à admirer avec la Princesse aux boucles rousses. Elle lui apprit l’amour de l’aventure que les livres racontaient, l’imagination qui se peignait dans les nuages du ciel et la beauté du silence entendu qu’une femme devait respecter pour se ranger dans la bienséance de la Noblesse. Elle n’eut jamais un sentiment fort envers son époux hormis, en certains temps, un mépris qu’elle ne réussit jamais à se pardonner.

 

Elle se devait de le soutenir, quoi qu’il lui en coute puisque les Dieux les avaient unis pour l’éternité. On ne défiait pas les Dieux. On la baptisa Reine Confiance en simple réponse à cette impression saisissante qui s’emparait des gens qu’elle côtoyait. Peu doutaient de son entièreté et de son honnêteté –chose bien rare à la Cour. Cependant Béatrix avait un secret, elle n’était qu’humaine après tout. A l’âge de ses vingt-six ans elle fut affublée d’un énième Page. D’abord réticente à cette idée –elle savait très bien se débrouiller toute seule- elle fut cependant vite charmée par l’humour et la joie de vivre du jeune homme en question.

 

Quand on tenta de lui retirer, elle fit tourner la tête de son Roi –la seule fois où elle se permit de se servir de ses atouts de femme avec lui- et, ayant peu d’intérêt pour la question, il accepta sans rechigner que le fameux William Eastwood, qu’il n’avait jamais vraiment pris au sérieux, devienne le Conseiller Personnel de la Reine. Se délectant de cette sensation nouvelle de devenir femme aux yeux de quelqu’un, Béatrix s'amusa du jeune homme en partageant avec lui des récits fantasmagoriques et des anecdotes sur les secrets royaux.

 

Elle lui apprit à devenir un homme ayant confiance en ses choix, lui enseigna la lecture des constellations et des formules arithmétiques et partagea avec lui des gouters dans les parcs de la Citadelle. Cependant, elle ne s’est actuellement toujours pas permise le moindre écart pouvant nuire à son mariage. Profitant juste de la complicité qui nait entre eux, elle y trouve la pièce manquante que Cathelyne n’aurait jamais pu remplacer, imaginant parfois, en fermant les yeux pour s’endormir, que c’est contre cet homme que Morphée l’emmène dans ses contrées obscures. 

 

Mais attention, le feu : ça brule.