Les Catacombes de Castlebaie

« J’organise une magnifique réception et vous n’êtes pas invités.. »

 

Jack fut un jour arrière petit-fils d’un membre de la garde royale, petit-fils d’un membre de la garde royale et fils d’un membre de la garde royale. Tout tombait sous le sens et semblait indiquer qu’il devait, ainsi, devenir membre de la garde royale à son tour, comme pour perpétuer cette curieuse tradition familiale. 

 

Durant son enfance il n’avait jamais eu à se plaindre de cette classe sociale, appréciait le fait de pouvoir grandir près de ces nobles gens qu’il se prenait à rêver de protéger contre des dangers légendaires et palpitants et s’imaginait déjà admiré par de jeunes demoiselles se languissant de ce chevalier servant au regard aigue-marine. Le jour où il fut nommé à la garde fut ainsi l’un des plus beaux de sa vie. Il n’avait que quatorze ans, mais il était maintenant homme. Posté à l’entrée de la chambre de la Reine, il servit cet honneur avec une prestance qu’aucun ne lui égalait. Le Roi lui reconnut ce mérite et décida alors de lui accorder une formation maritime, lui permettant ainsi de monter en grade et de pouvoir assurer les transactions de la flotte royale avec les pays voisins. Jack n’aurait pu en être plus touché et c’est le cœur papillonnant qu’il entreprit, un an et demi plus tard, son premier voyage sur le Hyacintho en tant que Capitaine d’un fier navire à la poupe scintillante.Puis vint le second voyage. Puis encore un troisième. 

 

Si Ulysse se fit punir par Poséïdon selon Homère, notre histoire est en écho à ce mythe injuste et révoltant. Le Siffleur –appellation de l’embarcation- fut, au détour d’une nuit poisseuse, entrainé dans la folie d’un orage où Bearr lui-même n’aurait pu retrouver la séparation entre les nuages et l’océan. La proue vint se fendre contre les rochers affamés du bord de côté et, de la cargaison, il ne resta plus que de vieilles planches flottant tristement à la dérive. Une poignée d’hommes seulement survécue. Rongé par la culpabilité de ces morts, Jack se présenta face au Roi avec toute la fatalité du monde sur ses épaules, s’attendant stupidement à une quelconque compassion. Hors de lui de voir tant de richesses disparues, Conviction n’eut aucune pitié face à cet homme pourtant si dévoué. Jack, bafoué, fut renvoyé dans les rues poussiéreuses de Castlebaie où il erra tel un fantôme pendant de nombreuses journées interminables. Puis, alors que vous venez juste de cligner des yeux, Jack ressuscita de ses cendres le jour où il décida que la déloyauté royale devait payer.

 

Une haine féroce s’empara de la gorge de ce si respectable gentleman. Il embarqua à l’aube suivant sur le Furtif, bateau semblable à son feu Siffleur, et mit les voiles sur cette fameuse île dont il avait tant entendu parler par son équipage durant ses voyages : l’Île du Béluga. Il y trouva une certaine rédemption et, par une histoire que nous vous raconterons en d’autres temps, devint Capitaine du Poseidon’s Fall, comme en réponse à cette sombre nuit où la cruauté avait frappé un homme droit et honnête. La liberté s’offrit à lui telle une évidence dont il n’avait jamais pris conscience auparavant, bien trop aveuglé par les œillères familiales. Il était né pour être Pirate, il était né pour voguer sur les flots et embrasser l’amour de Bearr.

 

Peut-être était-ce là, la raison de l’injustice de sa vie : le Dieu l’avait poussé à rencontrer son véritable destin. La conclusion pouvait paraître farfelue, pourtant il l’admira comme divulgation providentielle. Il devint ainsi le troisième combattant corsaire du Hyacintho, affrontant le redoutable Edgar le Borgne et l’inattendue Trinidad la Sauvage. 

 

Il vivait enfin. 

Il devenait quelqu’un.

Il serait Jack le Corrompu.